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Dre Clothilde Berger | service de cardiologie, Département de médecine, Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe) |
Dre Sabina Rosset | service de cardiologie, Département de médecine, Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe) |
Dr C. Pellaton | service de cardiologie, Département de médecine, Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe) |

Prise en charge de l’infarctus de type NSTEMI en 2021 – qu’en est-il dans le canton ?

Introduction

Le but de cet article est de présenter un aperçu de la prise en charge de l’infarctus de type sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI) en 2021. Cet article met l’accent sur les aspects de collaboration entre les différents acteurs au niveau cantonal en démontrant une véritable chaîne de prise en charge entre le médecin traitant, le cardiologue traitant, l’hôpital (avec ou sans salle de cathétérisme) et la réadaptation post infarctus.

L’infarctus du myocarde est défini par une nécrose myocardique. Une combinaison de critères est nécessaire pour poser le diagnostic. On considère ainsi un infarctus en présence d’une cinétique des biomarqueurs cardiaques (idéalement troponines ultra sensibles T ou I) avec une valeur >99ème percentile associée au moins à l’un des éléments suivants :

  • Douleurs thoraciques typiques
  • Modifications ECG dynamiques suggestives d’une ischémie
  • Nouvelles ondes Q à l’ECG
  • Nouvelle modification de la cinétique segmentaire (échocardiographie par exemple)

L’infarctus de type 1 est défini par une rupture de plaque, une ulcération, une érosion ou un thrombus qui mène à la nécrose myocardique. L’infarctus de type 2 est considéré comme une souffrance myocardique secondaire, sans occlusion/subocclusion coronarienne. Dans ce cas, il s’agit d’un déséquilibre entre l’oxygénation myocardique et la demande, typiquement dans les cas d’hypotension, de poussée hypertensive, d’arythmie, de vasospasme ou d’hypoxémie.

On distingue deux types de présentations cliniques d’infarctus:

  • Le patient qui présente des douleurs thoraciques avec un sus-décalage persistant (>20minutes) du segment ST à l’électrocardiogramme (ECG) : infarctus de type STEMI (« ST elevation myocardial infaction »). Cette présentation est compatible avec une occlusion aiguë totale ou subtotale d’une artère coronarienne. La prise en charge est une intervention percutanée primaire en urgence (ou un traitement fibrinolytique si non disponible).
  • Le patient qui présente des douleurs thoraciques sans sus-décalage persistante du segment ST à l’ECG et une souffrance myocardique (élévation des troponines): infarctus de type NSTEMI (« non ST elevation myocardial infaction »). Les modifications ECG incluent des sous-décalages du segment ST, des inversions des ondes T mais aussi des sus-décalage transitoire (<20minutes). Dans certaines situations, aucune modification ECG n’est visualisée.

L’angor instable est quant à lui est défini par une ischémie myocardique au repos ou à l’effort minime, en l’absence de nécrose myocardique constituée (dosage des troponines négatif).

Le présent article se focalise sur la prise en charge de l’infarctus de type NSTEMI de type 1. Chaque année, dans le canton de Neuchâtel, on compte environ 150 infarctus de type NSTEMI de type 1.

Outils diagnostics: ECG, dosage des troponines et échocardiographie en urgence

L’ECG est l’examen primordial dans la prise en charge de l’infarctus. Les recommandations internationales préconisent sa réalisation dans les 10 minutes après l’arrivée dans un cabinet médical, un service d’urgences ou en pré-hospitalier, en cas de suspicion d’infarctus. En cas de symptômes suggestifs d’ischémie et en l’absence de modifications ECG permettant un diagnostic sur l’ECG 12 dérivations conventionnel, il est recommandé de pratiquer des dérivations complémentaires (V7-V9 et V3R-V4R) pour rechercher une atteinte latérale et droite, respectivement.

Le dosage des troponines permet de préciser le diagnostic mais également de stratifier le risque individuel. Ce dosage est obligatoire chez tout patient présentant une suspicion d’infarctus. On choisira idéalement un dosage de troponines ultra sensibles T ou I (hs-cTn) qui sont beaucoup plus sensibles et spécifiques que la créatine kinase (CK) ou la myoglobine.

Le rôle de l’échocardiographie est primordial dans la prise en charge des patients avec une suspicion d’infarctus de type NSTEMI. Il permet d’identifier un éventuel trouble de la cinétique segmentaire nouveau pouvant suggérer une ischémie ou une nécrose myocardique. L’échocardiographie permet également d’identifier d’autres pathologies pouvant mener à des douleurs thoraciques comme la dissection aortique, l’épanchement péricardique, la cardiomyopathie hypertrophique ou encore d’éventuels signes indirects d’embolie pulmonaire. L’échocardiographie est indiquée en urgence chez tous les patients présentant des douleurs thoraciques associées à une instabilité hémodynamique.

Traitement pharmacologique

L’anti agrégation plaquettaire est le premier élément du traitement pharmacologique. On utilise l’aspirine en première intention (dose de charge 150-300 mg oral ou 75-250 mg i.v. suivi d’un traitement de 100 mg 1x/jour). Les recommandations actuellement en vigueur déconseillent l’introduction d’un inhibiteur du récepteur P2Y12 (soit le ticagrelor or le prasugrel) avant la coronarographie, lorsque l’anatomie coronarienne n’est pas connue et lorsqu’une stratégie invasive précoce est envisagée. Le délai d’action rapide du ticagrélor et du prasugrel permet une administration immédiate au moment de la coronarographie dès que la stratégie de prise en charge par angioplastie est définie. Les risques d’un pré-traitement sont principalement les hémorragies, notamment en cas de stratégie de revascularisation chirurgicale (pontage) ou de diagnostic initialement erroné (p.ex dissection aortique).

Une anticoagulation est recommandée chez tout patient présentant un infarctus de type NSTEMI avant et pendant la coronarographie. Deux alternatives sont privilégiées avant la coronarographie: soit un traitement d’héparine non fractionnée (bolus intraveineux 70-100 U/kg i.v. puis perfusion jusqu’à la coronarographie) ou de fondaparinux (2.5mg 1x/jour s/cutané). Durant la coronarographie, l’héparine non fractionnée est privilégiée. Les héparines de bas poids moléculaire ou la bivalirudine ont également été étudiées mais sont moins recommandées.

Après une angioplastie pour infarctus de type NSTEMI, une double antiagrégation (aspirine + inhibiteur du récepteur P2Y12) est recommandée pour une durée habituelle de 12 mois. Cette durée peut être raccourcie ou allongée selon le contexte clinique individuel de chaque patient, notamment en considérant le risque ischémique et hémorragique du patient. La stratégie de prise en charge chez les patients nécessitant une anticoagulation (p.ex valve mécanique, maladie thombo-embolique, fibrillation auriculaire) en plus de l’antiagrégation dépasse le cadre de cet article mais est très bien codifié.

Les dérivés nitrés doivent être utilisés en première intention pour diminuer les symptômes et contrôler une éventuelle hypertension. L’utilisation préalable de dérivés d’inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 et la suspicion d’infarctus droit contre-indique l’utilisation de dérivés nitrés (24h pour le sildénafil, 48h pour le tadalafil) au vu du risque d’hypotension sévère.

Les béta-bloquants diminuent la consommation d’oxygène, diminuent la fréquence cardiaque et la tension artérielle. Ils sont recommandés en cas de symptômes d’ischémie, hormis en cas de décompensation cardiaque associée ou en cas de signe de choc, principalement si la fonction ventriculaire gauche n’est pas connue. A noter également que les béta-bloquant sont contre indiqués en cas de suspicion de vasospasme ou d’utilisation de cocaïne.

Coronarographie : indication et délai

La coronarographie est l’examen de choix pour visualiser l’anatomie coronarienne et rechercher une éventuelle lésion coupable pouvant expliquer l’infarctus. La coronarographie est à la fois diagnostique mais aussi thérapeutique avec la possibilité de pratiquer une angioplastie et l’implantation d’un stent selon la situation. La coronarographie comporte des risques qu’il s’agit de balancer avec une indication pertinente.

Le délai de la coronarographie est défini en fonction de la stratification du risque. On reconnait les catégories suivantes :

- Stratégie invasive immédiate (<2 heures): pour les infarctus de type NSTEMI à très haut risque défini par une instabilité hémodynamique, un état de choc cardiogène, des douleurs thoraciques persistantes ou récurrentes malgré le traitement pharmacologique, des arythmies ventriculaires soutenues, une complication mécanique de l’infarctus, insuffisance cardiaque aiguë directement en lien avec infarctus, un sous-décalage de >1mm dans 6 dérivations + sus-décalage en aVR ou V1. La prise en charge est alors identique aux infarctus de type STEMI

- Stratégie invasive précoce (<24 heures): pour les infarctus de type NSTEMI à haut risque défini par une présentation typique, un score de risque GRACE > 140, des modifications ECG dynamiques ou un arrêt cardio-respiratoire réanimé sans modification ECG et sans choc cardiogénique associé

- Stratégie invasive élective: pour les patients avec un infarctus de type NSTEMI sans critère de très haut risque ou de haut risque sont à considérer comme bas risque. Le choix de la meilleure modalité de prise en charge sera individualisée entre une stratégie invasive par coronarographie ou un test fonctionnel pour ces patients. Les imageries fonctionnelles à la recherche d’ischémie (IRM cardiaque, scintigraphie myocardique p.ex exemple) sont habituellement réservées aux syndromes coronariens aigus à troponine négative (angor instable) ou à faible risque (p.ex NSTEMI de type 2), et doivent être en principe discutés avec un cardiologue.

La stratégie de prise en charge et les délais de transferts sont résumés dans la figure 1. Comme le canton de Neuchâtel ne dispose pas de salle de cathétérisme, il est d’autant plus important d’affiner le diagnostic de NSTEMI et d’individualiser les délais de prise en charge interventionelle. Une collaboration entre les différents acteurs est ainsi cruciale pour assurer une prise en charge optimale. Au sein du service des urgences, une étroite collaboration entre urgentistes et cardiologues est en place afin de définir la stratégie individuelle du patient. Quelle que soit la stratégie choisie, le patient doit être monitoré d’un point de vue rythmique jusqu’à la coronarographie, que ce soit durant l’hospitalisation ou durant les transferts.

Prise en charge post interventionnelle

Après la revascularisation, une prise en charge adéquate de chacun des facteurs de risque est primordiale. Le style de vie de chaque patient doit être optimalisé. Un programme de réadaptation cardio-vasculaire structuré (ambulatoire ou stationnaire) permet d’améliorer la mortalité et la morbidité après un infarctus de type STEMI ou NSTEMI. Les différents objectifs de prévention secondaire sont : cessation du tabagisme, LDL cholestérol < 1.4mmol/l, tension artérielle <135/85mmHg, contrôle optimal du diabète. Le médecin traitant joue un rôle crucial pour la prévention secondaire. Après un infarctus, il est recommandé un suivi cardiologique annuel par le cardiologue traitant.

Conclusions

La prise en charge de l’infarctus de type NSTEMI est bien définie par les recommandations internationales. Il est très important de bien préciser le diagnostic et de définir la catégorie de risque de chaque patient. En effet, en fonction de la présentation clinique, le délai de prise en charge interventionnel et donc de transfert sera différent et individualisé. La collaboration entre les différents acteurs de prise en charge au niveau cantonal est cruciale pour optimaliser la prise en charge de cette pathologie fréquente. Au sein du service des urgences, une étroite collaboration entre urgentistes et cardiologues est en place afin de définir la stratégie individuelle du patient et d’offrir une prise en charge rapide et optimale des patients.

Déclaration de conflit d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt en lien avec la rédaction de cet article.

Lectures recommandées

Collet et al. Eur Heart J 2021 Apr 7;42(14):1289-1367. doi: 10.1093/eurheartj/ehaa575.

 

Figure 1. Stratification du risque de l’infarctus de type NSTEMI et délais de prise en charge (adapté selon Collet et al, Eur Heart J 2021)